Randonnée des carrières à sarcophage - 21 avril 2011


Texte de Micheline Robin

 

Si vous vous promenez le long de l'Anglin entre Angles-sur-l'Anglin et Mérigny, vous serez étonnés de découvrir sur les deux rives, de petites carrières abandonnées, souvent envahies par la végétation, datant de l'époque mérovingienne. Claude Lorenz, géologue - spéléologue -archéologue (1935-1994) en a fait l'inventaire en 1957. « Les parois de ces carrières portent nettement les traces laissées par les outils et l'on peut retrouver aisément la forme des blocs qui en furent extraits. Il s'agissait de blocs en trapèze dont les dimensions correspondent en moyenne à celles des sarcophages mérovingiens fréquents dans la région.

 

La découverte de sarcophages, soit en cours de taille soit brisés, suffirait d'ailleurs à prouver que nous sommes en présence de leurs lieux d'extraction et de taille. La concentration de ces exploitations à quelques kilomètres d'Angles-sur- l'Anglin s'explique par le fait que les artisans recherchaient les affleurements d'un calcaire léger, homogène et facile à travailler. En outre, la proximité de la rivière leur offrait une bonne voie d'eau ».

La plus importante « la carrière à la statue » se situe vers le Roc Fondu sur la rive gauche de l'Anglin. Les traces très nettes montrent que l'extraction se faisait à la fois verticalement et horizontalement. La paroi du fond est en surplomb et forme une sorte d'abri. Dans un angle, « le bonhomme de pierre » statue de 1,50m de haut, tient encore à la pierre. Elle ressemble à un sphinx dont le visage effacé surmonte un avant-train d'animal dont une patte est seulement ébauchée et l'autre terminée par des griffes. Cette statue est une énigme qui a certainement été conservée comme idole par les carriers.

Les falaises de la rive gauche de l'Anglin ont été également exploitées. Non loin des rochers de l'école d'escalade de la Dame de Rives, sur un sentier qui remonte sur le plateau, un bloc taillé en forme de trapèze a glissé sur des éboulis ; un creux sur une de ses faces, montre qu'il allait être taillé en forme de cuve.

Sur la rive droite plusieurs sites sont intéressants. Au Rocher de la Dube, une sorte d'habitat a été aménagé derrière un grand mur isolant un renfoncement du rocher ; on y remarque entre autre des traces d'enlèvement en zig zag.

 

 

Près du village de Rives, la Cave du Coteau dite Cave à Coco, se révèle être un important centre de taille : l'on peut admirer des traces d'extraction d'un sarcophage vertical ; dans ce secteur, des formes géométriques creusées à même le sol rocheux correspondent probablement à l'enlèvement de couvercles épais ; plus loin on distingue une série d'encoches horizontales, et, sur un bloc isolé détaché de la falaise, des traces dans tous les sens.

Au moulin de Braud, de petites carrières se succèdent le long du chemin qui remonte vers Fournioux et le long du chemin du Roc de St Barthomé.

 

Le Roc de St Barthomé un piton rocheux de 25 m de haut ( les alpinistes de la région viennent s'y entraîner) dont le sommet est évidé est une véritable carrière à sarcophages à ciel ouvert. A sa base, une salle troglodytique a été creusée : un sanctuaire. On y découvre une banquette, de petites niches taillées dans la paroi rocheuse où des traces de peinture rupestre et des croix gravées sont visibles. Un couvercle de sarcophage servait « d'autel ». A gauche de l'entrée, une galerie descend dans une pièce inférieure. « Ce site, peut-être vénéré depuis des temps reculés (culte solaire ?), dut être aménagé à l'époque mérovingienne par le creusement d'une salle et de sa galerie d'accès, puis ré-aménagé par la suite en lieu de culte plus 'ouvert'. » C'est une interprétation de Claude Lorenz qui , d'après ses observations, a décrit le travail des carriers

 

« La méthode utilisée consistait à délimiter le bloc à extraire par de profondes saignées…..Partant d'une zone de travail déjà préparée et formant une sorte de marche d'escalier, le carrier ménageait à chaque extrémité du futur sarcophage une tranchée aussi longue et profonde que la section du sarcophage le nécessitait.

Ces tranchées encore bien visibles mesuraient environ 15 à 20 cm à leur ouverture et seulement 3 cm dans leur fond…. Une autre tranchée identique, longitudinale, était alors creusée pour séparer le bloc de la masse rocheuse, sur une profondeur égale à celle de la cuve. Enfin , une petite tranchée était creusée au niveau inférieur du bloc, sur une profondeur de 10 à 15 cm. L'usage de coins enfoncés dans cette dernière tranchée entraînait alors l'éclatement de la partie inférieure encore adhérente.

 

Une autre technique que l'on n'observe que dansla vallée de Rives, surtout au Rocher de la Dube, consistait , au lieu de creuser la dernière tranchée peu profonde, à tailler une série d'encoches contiguës, de la largeur d'un outil, d'environ 3 cm sur 10 à 15 cm de long, et sur 7 à 10 cm de profondeur. Après éclatement et enlèvement du bloc, on observe alors une ligne brisée en zig zag qui correspond à la limite de ces encoches triangulaires. L'éclatement se faisait à l'aide de coins. ….. L'ouvrier pouvait alors creuser des saignées pour vider la cuve ou dresser les parois... Il apparaît que la préparation d'un sarcophage complet devait demander, dans cette roche relativement tendre, quelques jours de travail seulement…..»

 

Bibliographie : « MEGALITHES, EDIFICES SOUTERRAINS, CARRIERES DE SARCOPHAGES de la basse vallée de l'Anglin » de Claude LORENZ édité par L'Association des Amis de Mérigny et de ses environs en 1995.